[Solidaires] Agir pour la prise en compte des aidants


Le 30 juin, la CFDT Île-de-France a organisé, pour la première fois, une rencontre sur le rôle des aidants et les leviers de l’action syndicale pour améliorer leur qualité de vie. Une rencontre au cœur des enjeux d’un phénomène en explosion.

 

Les « aidants familiaux » viennent en aide à une personne de leur famille ou de leur entourage ayant une déficience, une inca- pacité, en situation de  handicap ou  de  dépendance.  Ils  assurent de nombreuses tâches suivant les besoins de la personne : aide au ménage, aux courses, à l’hygiène, aux démarches administratives, soutien psychologique, vigilance… On compte 8,7 millions d’aidants familiaux et aujourd’hui ce chiffre ne cesse d’augmenter avec un double- ment depuis 2010.

L’explosion du nombre  d’aidants est aussi une affaire de génération. 37 % des aidants ont entre  35  et 49 ans. On parle de « génération pivot » pour qualifier ces personnes, souvent encore en activité, dont les enfants vivent au domicile familial parce qu’ils poursuivent des études longues et qui ont à gérer leurs parents en perte d’autonomie.

Une reconnaissance par la loi

Pendant longtemps, les aidants familiaux n’avaient pas de véritable statut. La Loi d’adaptation de la société au vieillissement (janvier 2016) reconnaît un statut à celles  et ceux qui accompagnent une personne handicapée  ou  âgée.  Elle crée le congé de  proche  aidant (défini ensuite par la Loi travail d’août 2016), un congé non rémunéré de trois mois renouvelable dans la limite d’un an sur toute la carrière pour s’occuper d’un proche (avec ou sans lien de parenté) devenu  dépendant  ou  gravement handicapé. Ce congé peut être fractionné et le salarié peut cesser totalement son activité ou travailler à temps partiel. Le congé de solidarité  familiale créé en 2010 (trois mois maximum renouvelable une fois) permet quant à lui d’assister un proche en fin de vie à domicile. Il donne par ailleurs droit à une allocation journalière d’accompagnement.

Les  salariés  premiers concernés

46 %   des   aidants   sont   toujours en  activité  et  consacrent  20   à 30 heures par semaine à cette aide. Ils souffrent souvent de fatigue physique, de manque de sommeil, de stress, parfois d’épuisement… Ils doivent mettre en place une orga- nisation complexe et ont peu de temps pour leurs loisirs. Tout  cela   a inévitablement un impact sur leur vie professionnelle. « Les salariés étant concernés au premier chef, les organisations syndicales ont toute leur place pour agir sur ce sujet », soutient Diego Melchior, secrétaire régional en charge de la qualité de vie au travail en introduction de la rencontre régionale du 30 juin. La qualité de vie au travail des aidants familiaux est un sujet de négocia- tion, dans l’entreprise comme dans la branche, ajoute-t-il. Car si la loi est largement insuffisante, elle prévoit des possibilités de négociation sur la durée maximale du congé, sa prise en charge financière, ses modalités… ». L’enjeu de la négociation est d’améliorer la qualité de vie au travail des aidants et leur obtenir un peu de répit. « Dans la fonction publique, précise Luc Michel du Syndicat santé sociaux de Seine-Saint-Denis lors du débat, des autorisations d’absence existent pour accompa- gner un enfant en situation de handicap ou un parent âgé, mais elles sont souvent très peu connues ».

Rompre l’isolement

L’action syndicale passe d’abord par une meilleure connais- sance de la situation, comme l’indique Gérard Despierre, mili- tant à l’Union territoriale des retraités du Val-de-Marne : « La première démarche d’une section est de mesurer le besoin et de connaître le public concerné ». Ce qui n’est pas simple car les aidants ne se reconnaissent pas toujours comme tels. Béatrice Charbonnier et Christel Girard Nkuindji, respective- ment responsable grands comptes et chef de produits-pré- voyance au sein du groupe de prévoyance Malakoff Médéric, participaient également à la rencontre. « D’une manière géné- rale, les aidants sont isolés, constate Béatrice Charbonnier. Il faut donc d’abord les détecter. Ils ont des attentes très pratiques autour de la flexibilité de leur temps de travail, mais aussi de l’information sur les aides et les démarches. Ils ont aussi et surtout besoin de temps pour eux. » Christel Girard Nkvindji présente ensuite le contrat construit par Malakoff Médéric dans le cadre d’un accord de prévoyance pour un groupe de l’industrie chimique. « L’offre part des besoins. Elle débute par un bilan personnalisé de la situation de l’aidant réalisé par une conseillère sociale au cours d’un entretien téléphonique. Celui-ci donne lieu à une restitution au salarié et à la définition d’un plan d’actions. Puis, nous mettons à disposition de l’aidant des services d’accompagnement : écoute psychologique, formation à domicile par une infirmière sur les bons gestes, orientation vers des solutions d’héberge- ment de répit, panier de services de 1000 euros par an (aide ménagère, auxiliaire de vie, livraison de repas…) ».

Poursuivre le débat

Les interventions fusent après cette présentation : comment négocier, notamment dans des entreprises de petite taille ? Comment convaincre les employeurs d’agir ? La deuxième table ronde de la rencontre (voir prochain Solidaires) porte sur la prise en charge des personnes âgées accueillies en établissement et la nécessité de partager les visions des professionnels et des usagers. S’il fallait s’en convaincre, cette rencontre a montré que l’acteur syndical a toute sa place sur ces sujets, pour informer et valoriser ce qui existe, négocier dans les entreprises et les branches, et agir sur les territoires. Mais la prise en charge de la qualité de vie au travail des aidants est aussi une question de responsabilité sociale des entreprises.

 

Judith Boumendil

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