[Solidaires] Handicap : les fonctions publiques autour de la table
C’est une première qui devrait en appeler d’autres… En partenariat avec l’Union des fédérations de fonctionnaires et assimilés (UFFA-CFDT), le groupe ressource handicap de l’Union régionale a tenu, le 28 juin, une matinée d’échanges sur la prise en charge syndicale du handicap dans les fonctions publiques. Morceaux choisis des interventions.
Le constat est largement partagé par les équipes : la faible culture du dialogue social dans les fonctions publiques – d’État, hospitalière et territoriale – rend complexe l’action syndicale sur le handi- cap. En témoigne notamment, Jean-Baptiste Guinot, élu CFDT à l’AP-HP, premier employeur d’Île-de-France avec 39 hôpi- taux : « La direction centrale, qui souhaite signer un protocole n’est pas tant de rendre la loi plus contraignante que de faire res- pecter les textes déjà existants, soutient ainsi Annick Pradères. Le CHSCT, par exemple, peut dresser un bilan chaque année des actions menées sur les ques- tions de handicap. Encore faut-il le mettre à l’ordre du jour… Il ne suffit pas non plus de signer une convention FIPHFP dans son établissement (possible dans les établissements de plus de d’accord d’amélioration de la santé et de la qualité de vie au travail avec les organisations syndicales, fait preuve de beaucoup de bonnes intentions. Mais on se heurte ensuite à de mau- vaises volontés au niveau local, qui peuvent être dues à un manque d’in- formations des DRH et décideurs ou pire, à un désintérêt ».
Des propos qui n’étonnent guère Annick Pradères, responsable de l’Union professionnelle régionale Santé-sociaux et mandatée CFDT au Fonds pour l’insertion des per- sonnes handicapées dans la fonc- tion publique (FIPHFP), équivalent dans le public de l’AGEFIPH. « Les directions préfèrent souvent attendre les ordres d’en haut plutôt que de négocier, reconnaît-elle. Tandis que de leur côté, les équipes syndicales sont sollicitées la plupart du temps lorsqu’il y a le feu ».
Faire vivre le dialogue social
Pourtant, depuis les accords de Bercy de 2008 et la loi du 5 juillet 2010, le dialogue social dans les fonctions publiques a été profondément rénové et tous les sujets concernant la vie professionnelle – dont l’embauche, le maintien en emploi, les conditions de travail ou les reconversions des per- sonnes handicapées – sont ouverts à la négociation. « L’enjeu pour nous n’est pas tant de rendre la loi plus contraignante que de faire res- pecter les textes déjà existants, soutient ainsi Annick Pradères. Le CHSCT, par exemple, peut dresser un bilan chaque année des actions menées sur les ques- tions de handicap. Encore faut-il le mettre à l’ordre du jour… Il ne suffit pas non plus de signer une convention FIPHFP dans son établissement (possible dans les établissements de plus de 500 agents équivalents temps plein, NDLR), poursuit-elle. Il faut aussi veiller à sa mise en œuvre ! »
Face aux situations parfois dra- matiques vécues par les agents en situation de handicap, de type mise au placard ou mise à la retraite d’of- fice, Mylène Jacquot, secrétaire générale de l’UFFA (CFDT Fonctions publiques), appelle à se saisir de tous les leviers à disposition des équipes. Au sein des instances, bien sûr, mais pas seulement. « Pour renforcer la prévention de la désinsertion profes- sionnelle, il est primordial de multi- plier les visites de terrain et de faire vivre le dialogue de proximité avec les cadres et les collègues », juge- t-elle. Un avis conforté par Martine Ricard, déléguée nationale handi- cap au ministère des Armées, qui pilote une mission handicap depuis 2014 : « La communication doit viser l’ensemble du personnel, des travail- leurs handicapés aux managers de proximité. » D’autant que, comme le souligne Franck Hueber, secrétaire général du Syndicat francilien des établissements de la Défense, « la CFDT est identifiée par les salariés pour les questions touchant au han- dicap, plus que les autres organisa- tions syndicales. Et de fait, beaucoup ne s’y trompent pas et adhèrent… ».
Agir sur la prévention
Isabelle Grutus, militante au sein du Groupe ressource handicap (GRH), elle-même issue de la fonc- tion publique territoriale, invite les participants à développer le travail en réseau et les éclaire sur le rôle de différents organismes : Maisons départementales des personnes han- dicapées (MDPH), Caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France (Cramif), Centre communal d’action sociale (CCAS), Défenseur des droits, etc. Pas toujours simple de s’y retrou- ver avec tous ces acronymes ! Mais des outils existent pour se repérer, à l’instar de la documentation produite par l’Union régionale ou les fiches pratiques de l’UFFA (disponibles en ligne).
Diego Melchior, secrétaire régional en charge de la qualité de vie au travail, préconise aussi de prendre davantage en compte le lien entre handicap et santé au travail. « Le risque d’être confronté à un handicap augmente avec l’âge, assure-t-il, chiffre à l’appui. 85% des personnes en situation de han- dicap le sont devenues au cours de leur vie. D’où l’importance de repérer les situations à risque et de les anticiper. » À cet égard, les services de préven- tion ont un rôle de premier plan à jouer. « La clé de voûte pour la prise en charge d’aides à la compensation d’un handicap reste la médecine du travail, rappelle ainsi Nathalie Dross-Lejard, déléguée aux employeurs publics et aux partenaires nationaux au FIPHFP. Sans la prescription du médecin du travail ou de prévention, le fonds ne finance aucune action. »
Solliciter l’appui du FIPHFP
Nathalie Dross-Lejard revient aussi plus en détail sur les différents financements que peut octroyer le FIPHFP. Que ce soit pour des aides au recru- tement de personnes handicapées (aménagement de poste, actions de sensibilisation, formation tutorale, versement de 80% de la rémunération d’un apprenti…) ou pour des aides à leur maintien en emploi (adaptation du poste de travail, bilan de com- pétences, reconversion profession- nelle…). Un catalogue d’interventions larges, mais qui se heurte à des limites financières puisque l’Éducation natio- nale comme les établissements de moins de 20 agents n’y contribuent pas aujourd’hui. « Si on ne parvient pas à revoir le financement du fonds, avertit-elle, on risque de s’orienter à l’avenir vers des actions sur le handi- cap qui ne coûtent rien… ». D’autres revendications émergent enfin de la rencontre, à l’instar du développe- ment de la prévention primaire, du télétravail ou encore de la rénovation des instances médicales.
Clément Mellin