Inaptitude : l’obligation de reclassement limitée à la volonté du salarié


Par deux arrêts, la Cour de cassation revient sur sa jurisprudence antérieure relative à l’obligation de reclassement. Désormais, elle admet la possibilité pour l’employeur de limiter le périmètre géographique de sa recherche de reclassement à la volonté ou à la position prise par le salarié inapte. Cass. soc. 23.11.16 n° 15-18.092 et n° 14-26.398.

Bon à sa voir : Dès lors qu’un salarié est déclaré, par le médecin du travail, inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités. L’obligation de reclassement d’un salarié incombe ainsi à l’employeur, et ce, que l’origine de l’inaptitude soit professionnelle (1) ou non professionnelle (2). Une telle obligation impose à l’employeur de mener activement des recherches élargies sur des postes qui peuvent être proposés au salarié inapte et sur un périmètre s’étendant à toutes les entreprises du groupe, en France et à l’étranger.

  •  Les faits

Dans les deux affaires en cause, deux salariés de la chaîne internationale de supermarchés Lidl, déclarés inaptes par le médecin du travail, ont été licenciés pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Ces salariés ont contesté leur licenciement en avançant que dans une telle situation, quelle que soit la position prise par le salarié, l’employeur a l’obligation de justifier de l’impossibilité de reclassement et ce, en étendant ses recherches à l’ensemble du groupe Lidl, et par conséquent à ses entreprises européennes. Ainsi, l’obligation de reclassement n’étant pas satisfaite, le licenciement s’avérait-il sans cause réelle et sérieuse pour les requérants.

L’employeur, quant à lui, justifiait avoir répondu à son obligation de reclassement et au caractère sérieux de ses recherches en arguant que l’absence de réponse aux propositions de postes situés en France, dans un cas (3), et le refus exprès (4) du salarié inapte dans l’autre, rendait inutile l’étendue des recherches de reclassement sur des postes plus éloignés, et notamment à l’étranger.

Les arguments de l’employeur ont été entendus par les juges du fond, qui ont considéré que celui-ci n’avait pas manqué à son obligation de reclassement.

Dans le pourvoi formé par les salariés, la question posée à la Cour de cassation était la suivante :

l’employeur peut-il tenir compte de la volonté du salarié pour limiter ses recherches d’emplois à proposer ?

  • Un abandon partiel de la jurisprudence antérieure

Jusqu’au 23 novembre dernier, la Cour de cassation affirmait que, quelle que soit la position et le souhait du salarié, l’employeur « ne peut limiter ses propositions de reclassement en fonction de la volonté présumée des intéressés de les refuser » (5). L’employeur était donc contraint de rechercher les possibilités de reclassement du salarié, notamment « par la mise en œuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail au sein de l’entreprise et le cas échéant, du groupe auquel elle appartient » (6), donc même à l’étranger.

Dans ses deux décisions du 23 novembre, la Cour de cassation confirme à nouveau l’obligation qui incombe à l’employeur de justifier non seulement de l’impossibilité de reclassement mais également du caractère sérieux de la recherche de reclassement.

Toutefois, elle rompt avec sa jurisprudence précédente dans la mesure où elle précise que « l’employeur peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte » pour limiter le périmètre de sa recherche de reclassement.

  • Vers un « allègement » de l’obligation de reclassement ?

La décision vient dans une certaine mesure « alléger » l’obligation de reclassement de l’employeur s’agissant du périmètre géographique des recherches. À cet égard, la Cour de cassation ne distingue pas entre le refus exprès et le défaut de réponse à une offre de reclassement. Ainsi, pour limiter le périmètre de ses recherches, l’employeur peut-il tenir compte du refus – ou de l’absence de réponse – du salarié inapte.

La décision de la Cour de cassation se limite-t-elle alors au seul périmètre géographique de la recherche ?

Sur ce point, la décision révèle des incertitudes quant aux suites qui seront données. En effet, la question se pose de savoir si, à l’avenir, d’autres éléments pourront être pris en compte par l’employeur pour limiter son champ de recherche. On pense notamment au-delà du critère géographique, au critère de la durée du travail. L’employeur pourra-t-il déduire d’un refus du salarié de postes à temps complet, l’inutilité de rechercher des postes à temps partiel ?

Dans tous les cas, les juges du fond apprécient souverainement le caractère sérieux de la recherche de reclassement. Il importe en conséquence d’attirer l’attention sur le fait que l’employeur sera toujours contraint de prouver qu’il a effectivement réalisé toutes les recherches.


 

 

(1) Art L.1226-10 C.trav.

(2) Art. L.1226-2 et -3 C.trav.

(3) Cass.soc. 23.11.16, n°15-18.092.

(4) Cass.soc. 23.11.16, n°14-26.398.

(5) Cass.soc.16.09.09, n° 08-42.301. En ce sens, voir également Cass.soc. 02.07.14, n°12-29.552.

(6) Cass.soc. 06.05.15, n° 13-27.349.

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